Cette plante vieille de 7000 ans fut ramenée d’Amérique Centrale par Christophe Colomb. Elle débarque à Séville en Espagne en 1493. L’hypothèse la plus vraisemblable quant à son arrivée dans nos régions est le passage par l’Italie. On retrouve le maïs vers 1530 dans la région de Venise et dans toute l’Italie du Nord où il donne la polenta, préparation à base de maïs non grillé.
En Bresse, on trouve sa trace dans les toutes premières années du XVIIe siècle. Les conditions de son implantation sont très mal connues, mais des archives attestent sa culture en 1611 à Flacey-en-Bresse (Saône-et-Loire).
Dès 1740, la revue Nouvelle Maison Rustique indique : « Son grain se réduit en farine […] pour faire du pain […] et de la pâte pour engraisser les chapons ; c’est pour cela que les Bressans en ont de si gras et en si grande abondance ; car on voit dans ce pays-là des champs tout remplis de cette sorte de bled ».
En 1764, voici la description qu’en fait le Dictionnaire de l’agronome :
« Le Bled de Turquie a la tige haute de six pieds ; il ne vient point en épi comme les autres bleds : ses grains sont ronds comme des pois, fort serrés & rangés en ligne droite : il y en a de différentes couleurs, blancs, rouges, noirs ; mais la farine est toujours la même, c’est-à-dire, tirant sur le jaune.
On le cultive beaucoup en Espagne, en Turquie, en Amérique, en Bourgogne. On le sème différemment des autres grains : on le plante après l’avoir fait tremper tout un jour : on fait des trous en ligne droite sur un sillon, & on jette quatre ou cinq grains dans chaque trou qu’on recouvre de terre en appuyant du pied, ou bien on le sème sur planche dans des rayons tirés au cordeau. Un arpent de bled de Turquie peut nourrir une famille entière pendant un an. »
En choisissant les plus beaux épis, les paysans bressans ont procédé à une sélection qui, progressivement, aboutit à une plante bien adaptée au sol argilo-calcaire de la région. Le maïs a durablement modifié en Bresse l’organisation agricole, les pratiques et le calendrier des cultures.
La céréale cultivée à l’origine par les Bressans est nommée « maïs blanc ». C’est une variété non hybride, aujourd’hui en voie de disparition. Différentes associations se mobilisent pour le préserver et encourager sa culture. Dans le monde, le maïs blanc représente 13% de la production totale. La France en cultive environ 3 000 hectares, en particulier pour le gavage des palmipèdes du Gers ou d’Aquitaine et la nourriture des volailles de Bresse (AOC), sans oublier l’amidonnerie et la pharmaco-cosmétologie.
Dans les années 1950, le maïs blanc a laissé place aux variétés hybrides venues des Etats-Unis, pour des raisons de rentabilité et de résistance.
Le maïs est nommé bled d’Espagne dans le Limousin. Des mentions remontant aux premières années du XVIIe siècle rangent le maïs sous le vocable assez énigmatique de « turquis ». C’est peut-être lors de son passage dans la région de Venise qu’il prend ce nom de « blé de Turquie ». L’appellation a perduré jusqu’à nos jours dans le patois de toute la Bresse bourguignonne et dans une partie de la Bresse savoyarde.
Il subsiste cependant des interrogations quant à l’identification de la céréale désignée par ce terme de « turquis ». Ce terme a pu, primitivement et dans d’autres secteurs de la Bresse, désigner le « blé noir » ou sarrasin. Une étude approfondie de la question a été produite par Pierre Ponsot.
Enfin, n’oublions pas que les Bressans ont longtemps été qualifiés par leurs voisins du nom peu flatteur de « ventres jaunes », peut-être en raison de leur consommation abondante de maïs : la fameuse soupe de gaudes, préparée avec la farine de maïs grillé, fut longtemps à la base de l’alimentation traditionnelle dans les campagnes. La farine de gaudes est aujourd’hui encore produite dans quelques moulins de Bresse et du Jura.